L’actualité se prêterait à d’autres vœux mais ce blog n’est pas une tribune politique ; en outre, écrire (quel que soit le sujet) me semble tout aussi utile et probablement plus pérenne qu’un #JeSuisCharlie de plus. Ce billet était de toute façon prévu comme une liste pour le Père Noël : quelques pépins techniques m’ont mis en retard mais je vais rester dans cet esprit. Quels MOOC espéré-je donc pour 2015 ?
Dites cheese !
Je veux un MOOC qui parle de fromage. De fromages. Comme dirait Pierre Perret, le p’tit, le gros, le laid, le beau… Dans l’esprit de Introduction to Wines mais en bien plus solide (prendre l’équipe du MOOC Impressionnisme ?), en français mais avec des sous-titres aussi larges que possible, ce serait un outil commercial fantastique : autrement dit, je ne vois pas comment un tel MOOC aurait du mal à se financer.
Je veux qu’il nous parle d’histoire, de pastoralisme, d’archéologie ; des modes de fabrication, du plus archaïque au plus industriel ; de la place du fromage dans l’alimentation au fil des siècles et des continents, de son rôle dans la société ; de chimie, des goûts et des odeurs ; d’économie, de grandes aires de production et d’exportation ; de dégustation bien sûr, d’accords mets-vins, de recettes, d’assemblages anciens et modernes avec le miel, la figue ou la poire…
Je veux enfin que ce MOOC ne soit pas une simple série de vidéos et de textes. Je veux des groupes d’échange et de découverte (“tu n’as jamais goûté de Mont Vully ? File-moi ton adresse, je t’en envoie un bout si tu me trouves une bonne Tête de Moine !”). Je veux des exercices de description des saveurs, comme on le fait pour un vin ou un chocolat. Je veux une mise en valeur du savoir-faire français, au même titre qu’un tour d’horizon des fromages italiens, hollandais, irlandais, suisses… Je veux des récompenses à la fin du MOOC, par exemple un plateau découverte pour quelques-uns des meilleurs aux quizzes et sur le forum. Je veux des relais locaux, chez les fromagers, sur les marchés, avec pourquoi pas une chasse au trésor comme on savait en organiser il y a 15 ans, quand le Net bouillonnait et se cherchait encore une raison d’être.
Pardon, Père Noël, je suis exigeant, mais c’est pour la bonne cause…
Employé, pas empoté
Il y a plein de MOOC pour devenir entrepreneur. Sans doute trop, car beaucoup sont médiocres ou redondants. Et bizarrement, pas un seul MOOC au monde (j’ai cherché…) ne t’apprend à être salarié.
Je ne parle pas du métier, bien entendu, mais du statut. En France, nous avons la chance d’avoir des lois qui protègent beaucoup les salariés, mais combien en ont conscience ? Quelle part de la population sait lire sa fiche de paie et définir un harcèlement moral ?
Je veux un MOOC qui explique comment lire une convention collective, comment fonctionne un préavis, quelle est la différence entre faute grave et faute lourde, à quoi servent des délégués du personnel, comment choisir son forfait de mutuelle entreprise, quelles règles respecter pour poser ses congés, à quoi correspondent les différents impôts et prélèvements, comment se comporter face à un collègue violent ou alcoolisé, qui contacter en cas de non-paiement du salaire, etc.
Parce que l’école ne nous l’apprend pas, et que faute de parents/collègues/amis plus âgés ou expérimentés pour donner des conseils, on se fait rouler dans la farine. Pas forcément par malveillance de nos employeurs : tout le monde peut se tromper sur un calcul de congés ou une déclaration fiscale…
Ce n’est peut-être pas culturel ou scientifique, mais c’est un MOOC d’utilité publique. Mesdames et messieurs politiques, et si vous vous saisissiez du sujet ?
Sauce piquante
2014 a vu fleurir nombre de MOOC sur Shakespeare ; je dois d’ailleurs te donner un compte-rendu d’un d’entre eux. Très bientôt… J’ai aussi évoqué un excellent MOOC sur la littérature grecque. D’autres existent sur Dante, Mark Twain, Emily Dickinson ou Walt Whitman. Et personne ne s’est encore décidé à parler d’auteurs français. Bigre !
J’ai un peu de mal à considérer Balzac, Hugo ou Baudelaire comme moins intéressants et accessibles que leurs collègues ci-dessus, et cela n’a rien à voir avec du chauvinisme : je rêve (aussi) d’un MOOC sur Keats ou, ô extase, sur Frank Herbert… Mais puisque nous sommes en France, dans un pays dont la culture est une fierté nationale et un trésor à faire vivre en permanence, ce ne serait pas un luxe de mettre en avant certains des plus éminents artistes de la langue française.
En fait, ce qui serait formidable, à mon sens, ce serait un MOOC français à destination des étrangers francophiles, avec un thème linguistique par semaine, et un auteur pour l’illustrer. Je crois qu’invoquer Machaut, Rabelais, Voltaire, Balzac, Gautier, Flaubert, Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Zola, Maupassant, Proust, Duhamel, Giono, Saint-Exupéry, Prévert, Malraux, Barjavel, Camus, Césaire, Vian et Pérec pour déployer l’histoire et l’immense éventail de possibilités de notre langue aurait (permets-tu) franchement de la gueule. Ambitieux ? Pas plus que HeroesX.
Chaque semaine, j’y verrais donc un thème (de l’amour courtois à l’Oulipo), un auteur, un texte à étudier de près (oui, j’ai surkiffé la méthodologie du Pr Nagy), un livre à lire en option, et diverses activités, du commentaire historique à l’exercice d’écriture. Là encore, je veux des carottes pour les passionnés : des livres à gagner, pourquoi pas l’édition d’un recueil des meilleurs textes… Seule l’imagination nous limite.
Il y a des tas d’amoureux de la langue française dans le monde. Certains l’ont comme langue officielle à côté d’un dialecte local, et s’en servent à l’école ou au travail ; d’autres n’en connaissent que quelques expressions pour draguer. Leur donner, à tous, accès au patrimoine écrit de cette langue est un défi aussi excitant que salutaire, non ?
Et pour ce blog…
J’ai dû réduire un poil la voilure au niveau du nombre de MOOC suivis ; le souvenir d’octobre 2014 et ses 17 MOOC (+ 4 abandonnés par la force des choses) me reste bien en tête. Je tourne à 8-9 actuellement, et j’espère me limiter à 5 à partir d’avril. (Non, ce n’est pas seulement parce que Game of Thrones reprend. … … Il y a Mad Men, aussi. Hmpf.)
Lorsque j’aurai rattrapé mon retard sur les comptes-rendus (j’en ai encore 5 sous le coude !), j’aurai peut-être davantage de temps pour écrire. Des idées me trottent dans la tête et ça devient pénible de ne pas les laisser sortir. Peut-être aurais-je dû souhaiter un MOOC sur la compression temporelle…
Bonne année 2015 à toi, fidèle lecteur. 😉