Ce MOOC est à peine fini mais je trépigne d’impatience à l’idée de t’en parler… “Exoplanets” est le deuxième module d’une série de quatre sur l’astrophysique (et il est consacré aux exoplanètes, c’est-à-dire des planètes hors de notre système solaire) ; le premier était “Greatest Unsolved Mysteries of the Universe” et j’ai déjà dit tout le bien que j’en pensais. “Exoplanets” est du même accabit donc je vais m’abstenir de radoter, et essayer d’approfondir ma critique.
Quand j’explique à des amis que je suis des MOOC, certains me regardent de travers et me conseillent de me reposer, de moins réfléchir, de me planter devant “l’amour est dans le pré” et de laisser parler mon cervelet. J’essaie de leur expliquer que c’est comme dire à une mère de se piquer à l’héroïne quand son gosse est malade pour être moins inquiète, mais je sens que je ne les convaincs pas.
Alors quand j’ai l’heureuse idée de dire que parmi ces MOOC, ceux que je préfère, ce sont ceux d’astrophysique, ceux où l’on calcule la masse des galaxies, l’âge de l’univers et la composition de l’atmosphère sur Trantor selon son rayon et sa masse, eh bien là, tout le monde lève les yeux au ciel. Et pas parce que c’est là qu’on y voit des étoiles. Quand je suis tout excité le mardi soir, parce que c’est le jour où Brian Schmidt et Paul Francis (les enseignants de ces MOOC) mettent en ligne les cours de la semaine, c’est l’incompréhension la plus totale. Les plus conciliants disent “ben euh c’est bien, ça t’occupe” (comme si je n’avais que ça à faire, mouahaha), les autres haussent les épaules : je suis timbré, ils le savent, voilà, fin de l’histoire.
C’est pas faux, hein, je ne nie pas avoir un grain. Mais je suis absolument certain d’une chose : si certains de ces amis prenaient la peine de suivre, allez, deux semaines de cours (soit 4 à 6 heures en tout, ça fait une “soirée télé” par semaine si tu préfères), on verrait de petites ampoules s’allumer au-dessus des têtes. Oh, peut-être pour une personne sur 3, une sur 4 : je sais bien que jouer avec des chiffres (par exemple jongler entre kilomètres, unités astronomiques, années-lumière et parsecs) donne des boutons à pas mal de gens, et ça gâcherait une bonne partie du plaisir. Mais pour les autres, pas forcément des “matheux” mais au moins ceux qui sont prêts à essayer, ce serait une révélation.
Pourquoi ? Cela tient en partie au domaine abordé, c’est vrai. L’astrophysique est une de ces sciences qui font rêver petits et grands ; elle alimente la science-fiction depuis Jules Verne et incarne pour beaucoup un des derniers espoirs de l’humanité. L’infiniment grand nous émerveille. Alors quand des génies de ce domaine viennent te prendre par la main et t’expliquent leur travail avec des mots simples, eh bien tu es comme un enfant devant le Père Noël.
Ce serait donc plus difficile de faire un MOOC aussi excitant, disons, avec des analyses statistiques ou des mathématiques fondamentales : ça plairait à quelques dingos (… oui, comme moi, d’accord) mais on aurait du mal à intéresser un large public. Alors que là, on s’adresse potentiellement à tous ceux qui ont vu Star Wars, Gravity ou Avatar.
Mais ce serait illusoire de s’arrêter à cette explication. Comme je l’ai expliqué dans mon article sur le premier module, la pédagogie joue un rôle essentiel. Tu vas me dire “oui bah la pédagogie est importante dès qu’on enseigne quelque chose, c’est une lapalissade ça” – mais crois-moi, tous les MOOC ne se valent pas à ce niveau. Je retrouve ce que j’avais constaté à l’université : beaucoup de profs se contrefichent d’être pédagogues. Pour eux, c’est à l’étudiant de faire l’effort de compréhension et de structuration des connaissances : “je vous énonce ce que vous devez savoir, ensuite débrouillez-vous”. C’est aussi dédaigneux que contre-productif et donc stupide. Les universités françaises auraient beaucoup à gagner à plancher sur ce problème, en particulier en licence (le choc est très rude quand on sort du lycée), mais je m’égare…
Être pédagogue, c’est bien, mais ça veut dire quoi au juste ? En quoi Paul et Brian sont-ils épatants ? Je vais te donner quelques exemples.
Chaque semaine compte une dizaine de vidéos, plutôt courtes (2 à 10 minutes), et entre chaque vidéo est posée une question de compréhension ; exemple : “on vient de démontrer que (…) ; mais si nous étions en train d’étudier une planète un peu plus chaude, cela serait-il toujours vrai ?”. Ce n’est pas juste “as-tu écouté”, c’est “as-tu compris”.
Les vidéos respectent assez souvent une alternance entre “une discussion entre Paul et Brian, devant des diapos, pour expliquer un concept ou une hypothèse” et “une démonstration de Paul sur un tableau noir”. Ces démonstrations sont sans doute ce qu’il y a de plus effrayant pour un non-scientifique, mais il suffit d’en observer quelques-unes (en n’hésitant pas à faire pause de temps en temps) pour constater qu’elles sont très abordables (niveau 2nde générale). L’enseignant nous fournit toutes les formules nécessaires donc il s’agit surtout de comprendre la méthode et de résoudre une équation avec les chiffres fournis.
Les travaux hebdomadaires évalués conservent cette philosophie. Il y a plusieurs façons d’évaluer un étudiant dans un MOOC (cf cet article intéressant de Matthieu Cisel) ; ici, le choix s’est porté sur l’application numérique. C’est selon moi ce qui peut se faire de mieux, à condition que ce soit possible (je ne vois pas bien comment l’utiliser en géopolitique ou en histoire, hélas). Il y a quelques pièges bien sûr, des conversions d’unités, des données fournies inutilement pour nous faire croire que le calcul est plus compliqué qu’il n’y paraît… Mais cela reste un jeu, et tout est fait pour encourager l’étudiant : on a droit à (au moins) trois essais pour chaque question, et une page d’entraînement nous propose également un exercice similaire (mais avec d’autres données), sans limitation d’essais.
Il y a un dernier point que je veux évoquer ; il rejoint les propos de certains observateurs comme quoi les MOOC s’adresseraient au “mauvais public”. C’est un débat qui mérite un article à lui seul donc je garde ça pour plus tard ; cela ne m’empêche pas d’illustrer mon point de vue avec ces MOOC australiens. Paul, Brian et leur équipe ont-ils cherché à former de futurs astrophysiciens ? Je ne crois pas. Ont-ils fait de la vulgarisation scientifique “passive”, façon “je vais vous raconter l’histoire de l’univers…” ? Non plus. Ils se sont positionnés entre les deux, en s’adressant aux curieux.
Qu’on le veuille ou non, aujourd’hui, ce sont les curieux, les learnaholics qui forment l’essentiel des légions d’apprenants dans les MOOC. Comment attirer l’attention des curieux ? En leur proposant de la nouveauté ; ici, une plongée dans les plus récentes avancées de la recherche dans un domaine bien particulier. Une initiation à la cosmologie sans cet ancrage dans l’actualité (notamment matérialisé par ce module entier consacré aux exoplanètes, un champ de recherche que l’on ne soupçonnait même pas il y a 15 ans) n’aurait pas réuni autant d’étudiants.
Et comment conserver ces curieux, comment les fidéliser semaine après semaine ? Avec des cours de qualité, ça va de soi, mais ce n’est pas tout. Avec des profs disponibles sur les forums et/ou les réseaux sociaux. Avec des récompenses façon fraise tagada (je pense notamment aux scripts Python du premier module). Avec des références geek et de l’humour. Quand ils nous parlent d’exoplanètes, ils ne se contentent pas de nous expliquer les différentes techniques de détection : ils se posent des questions simples, comme “un télescope de 40 mètres ne suffit pas, bon, il faudrait quelle taille alors ?” ou “tiens, c’est bizarre, pourquoi les montagnes sont plus hautes sur Mars que sur la Terre ?”, embrayent sur “oh ben faisons le calcul”, tu te dis “houlà ça va être compliqué” et en fait… non. Ils parviennent à anticiper les questions que tu vas te poser, et à t’aider à trouver une réponse sans avoir l’impression de fournir un effort. C’est addictif, vraiment.
Alors c’est vrai, tout n’est pas absolument parfait. La plateforme Open edX est encore un peu monolithique. Il manque une évaluation par les pairs ou des travaux de groupe obligatoires pour stimuler les échanges. Ce serait bien d’avoir les sous-titres en d’autres langues que l’anglais pour toucher plus de monde. Paul pourrait parler légèrement moins vite. Surtout, quelques exercices pourraient être plus difficiles, histoire de récompenser les plus motivés. Mais tout cela, ce sont des détails quand le reste est aussi bien conçu et exécuté.
Ce cours sur les exoplanètes vient de s’achever ; il reste disponible, comme le premier, en auditeur libre (tu peux le suivre à ton rythme). Le troisième module, “The Violent Universe”, est prévu pour cet automne. D’ici là, je vais être en manque chaque mardi soir… 🙂
Évaluation
Technique : 9/10
Pédagogie : 10/10
Intérêt : 10/10