Eirko maille

Encore un calembour private-jokesque que seuls les hellénistes auront une chance de piger… Et ce n’est pas pour autant que ça les fera marrer. Je suis un incompris, snif.

Retrouvons Eirko et Kot-Kot (qui n’a pas la grippe aviaire, je vous rassure), seuls sur le sable, les yeux dans… le sable, enfin voilà quoi.


Le long voyage dans le désert laissa aussi peu de souvenirs à Eirko que sa fuite de Bar; la soif était certes moins éprouvante, grâce aux quelques réserves de Kot, mais la douleur qui lui transperçait le ventre le faisait délirer la nuit et perdre fréquemment connaissance le jour. Le chasseur de primes ne semblait pas inquiet de son état, mais Eirko ne pouvait guère en tirer satisfaction tant le Donate paraissait indifférent à tout ce qui l’entourait.

Indifférent mais sur ses gardes: chaque soir, il étudiait attentivement la topographie des dunes pour planter leur tente hors de portée des prédateurs du désert; chaque matin, il examinait scrupuleusement leurs réserves, leur matériel et même la blessure d’Eirko – mais sans faire le moindre commentaire, ni exprimer la moindre émotion.

Ils arrivèrent un soir en vue d’Ikalj. Juché sur une petite dune, Kot reprenait son souffle et contemplait la cité rouge avec ce qui était pour lui un grand sourire.

– Voilà, gamin, on y est. Ikalj la rouge, ses forges, sa distillerie et ses lupanars. Va falloir que tu te lèves, et que tu marches jusqu’à l’auberge… J’tiens pas à attirer l’attention.

Eirko voulut protester mais Kot l’avait déjà pris sous les aisselles et mis debout. Il attendit une bonne minute que sa tête retrouve l’équilibre et que les muscles de ses jambes se raidissent et le lâcha doucement; Eirko tangua, s’appuya sur lui, mais tint bon.

– Si tu restes bien droit, ça devrait aller. Par contre, évite de te pencher, sinon le bandage que j’ai fait à ton ventre ne suffira pas à protéger ta cicatrice. Va falloir un moment avant que tu retrouves ta souplesse, gamin.

Le temps qu’Eirko réalise qu’un "merci" était de mise, Kot avait déjà pris quelques pas d’avance et se dirigeait droit vers Ikalj. Eirko serra les dents et fit un pas, puis un autre.


De l’étroite fenêtre de leur chambre, Eirko, accoudé au rebord, observait la rue. Les immeubles se penchaient de chaque côté pour se rejoindre par endroits au-dessus du passage, créant un bouclier contre la chaleur et protégeant les passants et les marchands des pluies de sable; des balcons improvisés surplombaient la rue, où l’on pendait le linge humide ou espionnait ses voisins en toute discrétion.

Il avait passé la nuit le ventre vide, trop épuisé pour rester avec Kot dans la salle commune, mais s’était rattrapé au réveil en dévorant les saucisses et les galettes de seigle que le mercenaire avait gardées pour lui. Kot l’avait ensuite abandonné là, avec pour seule consigne de surveiller les allées et venues par la fenêtre, et notamment l’entrée arrière d’une petite boutique de spiritueux.

Un marchand de la bourgeoisie locale, accompagné de ce qui devait être son fils, fut interpellé par deux hommes visiblement éméchés; un long couteau sortit de la ceinture du "fils", une passante cria, les ivrognes s’entre-regardèrent et s’enfuirent en se mêlant à la foule. Personne en vue près de la porte à surveiller.

Eirko se retourna, prit le pichet de vin sur la table basse en s’efforçant de ne pas se baisser et s’en servit un verre; la fatigue du voyage ne s’était pas encore dissipée, et il n’avait pas les idées claires. Il y ajouta un peu d’eau, retourna à la fenêtre et vit juste à temps Kot arriver en haut de la rue, vêtu comme un banal manutentionnaire local pour passer inaperçu. Arrivé devant l’auberge, le Donate leva rapidement les yeux; Eirko lui fit de la main le signal convenu et Kot reprit son chemin.

Puis la journée passa sans qu’Eirko ne le revît. Une esclave monta à sa demande un repas consistant et de l’eau qui aurait dû être fraîche; Eirko s’efforça de ne pas quitter son poste d’observation, même si l’impatience commençait à lui faire fourmiller les jambes. Personne ne franchit le seuil de la boutique qu’il surveillait, et aucun heurt notable ne vint émailler l’après-midi dans la rue de plus en plus chaude.

La nuit tomba; Kot n’était toujours pas revenu.

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