Longue période de silence… Un concours de roleplay mobilisant ma plume, une grosse crève pendant deux bonnes semaines, et vous voilà privés de feuilleton pendant six semaines. Sorry.
Pour me faire pardonner, et aussi pour célébrer dignement l’anniversaire de Léa (:-P), vous allez avoir droit à une triple dose 😀 Trois chapitres assez courts (faute de temps, snif) mais trois chapitres quand même.
Commençons par Loni, qui fait ses jeux olympiques d’hiver à sa manière…
Le vent hurlait dans leurs oreilles, criblant de givre leur peau et leurs vêtements à chaque rafale venue du sud. Avec l’altitude, plus aucun obstacle naturel ne les protégeait des assauts de ce froid infernal. Chaque crevasse, chaque grotte avait été d’un grand secours ces deux derniers jours, mais maintenant qu’ils touchaient au but, ils ne pouvaient plus compter que sur leur propre résistance. Ils avaient libéré leurs chevaux la veille, et devraient faire le reste du chemin à pied, en espérant trouver des montures à voler une fois descendus dans la vaste vallée de l’Equille.
Arlo ouvrait la marche, plantant à chaque pas son bâton dans la neige pour l’éprouver avant d’y poser le pied. Puis venait Jimoti, puis Loni, et enfin Urlod, tous solidement encordés. Ils distinguaient depuis hier les deux pics délimitant le col des Charognards, mais la visibilité au sol était rendue quasi-nulle par le blizzard et ils n’avaient aucune idée de l’emplacement du poste de garde brislien.
Car, de fait, les caprices de la nature ne seraient pas seuls à entraver leur voie: la crête montagneuse délimitait ici la frontière entre les deux empires rivaux de ce continent, et ce col était un point de passage dûment contrôlé par les Brisliens soucieux de leur sécurité. Tous quatre espéraient ne pas avoir à se battre, mais les consignes étaient claires: ne laisser aucune trace de leur passage… Et donc ne pas permettre à des garde-frontières brisliens de survivre et d’aller informer leurs confrères du passage d’éclaireurs venus de Grive.
Loni fut soudain tiré vers l’arrière; il tenta de se stabiliser, glissa et se rattrapa au bras tendu de Jimo. Il constata en se retournant qu’Urlod était tombé dans une petite crevasse; Arlo vint les aider à le hisser en-dehors et ils reprirent leur marche aveugle, tout cela sans un mot. Seuls, les hurlements du vent leur tenaient compagnie.
Peu après, Arlo fit halte, leva le bras droit à l’attention de ses compagnons derrière lui, et ils se regroupèrent en cercle.
– Là, devant, j’ai vu le poste ! cria Arlo. On fait comme prévu, Urlod et Loni par le flanc, Jimo avec moi de front !
Les autres acquiescèrent en hurlant; il n’y avait de toute façon aucun risque que l’ennemi les entendît. Loni suivit Urlod qui partit sur la gauche d’Arlo et Jimo pour couper toute retraite aux Brisliens; après quelques dizaines de mètres d’escalade à flanc de montagne, Loni commença à douter de la vue d’Arlo, mais Urlod lui tapa sur le bras en lui faisant signe de dégainer. Une vague construction de brique se détachait sur fond blanc, quelques mètres en-dessous d’eux.
Urlod attendit quelques instants puis dévala la pente, l’épée tendue devant lui; lorsque Loni l’eut rejoint, il défonça la porte arrière du baraquement à coups de pied et s’y engouffra.
La brusque variation de température leur fit l’effet d’un choc en pleine face: un feu intense brûlait dans une cheminée bien entretenue, et sa chaleur alimentait tout le baraquement. Urlod se précipita vers l’autre pièce en entendant des cris; Arlo et Jimo affrontaient probablement les Brisliens juste à côté. Loni savait devoir le suivre mais contemplait, hébété, les victuailles fumantes disposées sur la table.
De sous celle-ci surgit alors un individu qui se jeta sur les jambes de Loni, bras tendus vers ses genoux pour le faire chuter. Loni répondit en abaissant violemment son épée pour heurter du pommeau son assaillant. Ils roulèrent tous deux à terre, jusqu’à ce que celui-ci semble lâcher prise. Pensant l’avoir enfin assommé, Loni se redressa et examina avec stupeur son adversaire: il ne devait pas faire plus d’un mètre… Un enfant. Que faisait-il ici, à un poste de frontière en pleine montagne, alors que la guerre approchait à grands pas…?
Il avait le nez froncé et un filet de sang au coin de la bouche; nul doute que Loni lui avait fait mal. Pourtant, alors que le jeune Grivien se détournait pour appeler ses compagnons, l’enfant roula prestement sur le côté, se remit sur pied et bondit vers la porte ouverte et le froid mordant.
– Attends !
Le petit Brislien tourna la tête, lui adressa un ultime regard moqueur et plongea dans le blizzard. Incrédule, Loni le vit disparaître dans la tempête, voué à une mort certaine sans vivres ni vêtements chauds. Qu’espérait donc cet enfant ? Etait-ce l’inconscience qui le poussait ainsi vers la mort ? Ou au contraire, comprenant que les Griviens l’exécuteraient sans scrupules, préférait-il au moins tenter de rejoindre les siens pour ne pas subir le déshonneur de périr de la main d’un ennemi ?
– Loni ? Rien de ton côté ?
La lame rougie pendant à son côté, Arlo reprenait son souffle en s’assurant que tout danger était écarté.
– Non… Rien. Pas de casse ?
– Urlod a pris un coup à la jambe. Pas sûr qu’il puisse continuer.
Pendant qu’Arlo et Jimo transportaient au-dehors les corps de trois Brisliens pour les ensevelir sous de la neige, Loni s’en alla constater par lui-même la blessure; une vilaine entaille sur la cuisse, assez profonde pour avoir touché le muscle. Avec un froid pareil, Urlod ne pourrait effectivement pas prendre le risque de marcher pendant quelques jours, sous peine de voir sa jambe s’infecter. Il en comprit vite les conséquences.
– Je vais rester là à me réchauffer les douilles pendant que vous trois ferez tout le boulot. Pas de veine, mon garçon, hein !
Son trait d’humour masquait mal sa peine de se séparer de ses compagnons pour cette mission cruciale, mais il savait qu’il ne devait pas les retarder. Faute de trouver des paroles réconfortantes, Loni lui serra amicalement l’épaule puis lui apporta un morceau de viande encore chaude, cuite par les hommes qu’ils venaient d’affronter. Et de tuer.
A aucun moment, Loni ne mentionna aux autres la fuite de l’enfant brislien.