Trois jours, et je me trahis déjà…
Une de mes idées “secrètes” derrière la création de ce blog, était de me remettre à griffonner ! Je dis bien “griffonner”, hein, pas écrire, sinon il risque d’y avoir des déçus. Depuis que j’ai un travail, faute de temps, je ne joue plus vraiment à Star Trek Québec… J’ai du temps, parfois, mais pas régulièrement, et c’est là que ça coince.
Mais l’envie de laisser mes doigts voler sur le clavier sans autre objectif que d’écrire quelque chose qui me plaît, qui assouvit mon inspiration, ça, c’est toujours là ! Et il faut bien que ça sorte: chacun s’exprime comme il peut, et moi, n’ayant pas le moindre neutrino de talent en musique ou en dessin, il faut bien que je griffonne, c’est comme ça.
Bref, j’avais un peu de temps ce midi et en fin d’après-midi, donc voilà, j’ai pondu vite fait une sorte de mini-chapitre de ce qui pourrait être un roman-fleuve comme il en existe tant en fantasy: ça ne va pas pisser loin (pardon pour la vulgarité), mais au moins je sais que j’aurai de l’inspiration pour les nuits à venir; vous aussi peut-être ! Si ces quelques mots excitent votre Muse, dites-moi vite ce qu’elle vous aura soufflé !
La suite ? Elle viendra, peut-être, peut-être pas, même Dieu ne le sait pas…
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Loni prit le papier griffonné des mains du scribe et partit en coup de vent vers l’écurie.
Il avait déjà fait de nombreuses fois le trajet entre le Relais et Grive, mais jamais les acolytes n’avaient montré le moindre empressement à le voir délivrer sa missive: il lui était même arrivé de prendre un repas dans la petite salle commune au sous-sol avant de partir. Cette fois, le vieux Nord l’avait secoué pour le sortir du lit – sans un mot, bien sûr – et lui avait fait comprendre qu’il s’agissait d’une urgence.
Il avait déjà enfourché sa jument et se dirigeait au sud-est en prenant machinalement pour repère les six étoiles de l’Arc à sa gauche, et partit en spéculations sur le contenu du message en faisant confiance à sa monture pour garder ce cap qu’elle connaissait bien.
Loni aurait été dûment puni s’il avait osé déplier la feuille froissée devant ses maîtres; et maintenant, la nuit sans lune ne lui permettait pas de déchiffrer le moindre caractère. Pis encore, il ne savait pas lire… Nul besoin pour un jeune coursier d’étudier arts ou lettres; on attendait de lui qu’il soit serviable, docile, bon cavalier, et qu’il sache se taire: eût-il été muet que les acolytes ne l’en auraient que plus apprécié.
Etait-ce son imagination, ou le ciel était-il plus noir cette nuit, la piste plus glissante ? Le vent marin qui lui fouettait le visage avait apporté son lot d’averses, plus tôt dans la nuit, et sa jument semblait danser sur les cailloux instables. La piste menant au Relais n’était fréquentée que par lui et, quatre fois l’an, par quelque marchand qui vendait aux acolytes ses invendus de la foire saisonnale: il pourrait se passer des siècles avant que l’on ne songe à damer ce chemin.
Ou qui savait ? Peut-être le message évoquait-il une guerre à venir ? Les Brisliens avaient-ils levé une armée, là-bas, à l’ouest, pour envahir leurs vieux ennemis griviens ? Enfant, Loni n’avait guère prêté attention aux récits de ses aînés, estimant sans doute que la guerre viendrait bien assez tôt; Grive avait vécu en paix depuis près de deux générations, et il se sentit soudainement coupable en réalisant la curieuse exaltation qu’un possible conflit provoquait en lui. N’était-il donc qu’un de ces gamins irrésistiblement attirés par les épées, le sang et les larmes ?
C’était justement parce qu’il n’avait que peu d’intérêts pour ces choses qu’il s’était retrouvé dans la quiétude et la monotonie du Relais, voici bientôt deux ans. Il se dit qu’il aurait dû mettre à profit ses nombreux temps de repos pour explorer la petite bibliothèque, dans l’aile ouest de l’édifice; mais le silence y était encore plus pesant qu’ailleurs, et les regards froids et pénétrants du vieux Ensar décourageaient toute envie d’apprendre. Oh, s’il avait eu plus de courage, les acolytes ne l’auraient peut-être pas blâmé, après tout certains semblaient relativement chaleureux… Mais Loni avait toujours baissé les bras; il aurait eu besoin de quelqu’un qui le pousse vers l’avant, qui l’incite à se surpasser, et ce quelqu’un n’était pas là.
Il rumina sur ses erreurs jusqu’aux portes de la ville, où une sentinelle haussa un sourcil en le voyant arriver à sa vive allure, avant de reporter son attention à la partie de cartes qu’il tenait avec ses trois collègues. Loni voulut emprunter la ruelle des fleurs, où un de ses rares amis d’enfance avait habité, et qui offrait un chemin plus court vers le château; mais il se retrouva dans une impasse. Cette bâtisse blanche avait dû être construite depuis sa dernière course, deux mois plus tôt… Les fenêtres en étaient ouvertes et des chants accompagnés de balisette y résonnaient; sans doute une maison de riches, songea distraitement Loni.
Après quelques détours et un bref salut aux gardes du château, il sauta de sa jument et se précipita dans la chaleur du hall où, malgré l’heure plus que tardive, les bruits de pas des domestiques claquaient comme un concert d’horloges. Etonnant comme, à l’extérieur, la ville grandit et se transforme, tandis qu’ici rien ne change…
Il chassa cette bouffée de nostalgie et monta deux étages vers le bureau du Ministre qui, Loni n’en doutait pas, ne dormait pas encore. Il toqua deux fois, poussa la lourde porte et s’agenouilla aussitôt en présence de son Roi.
Le Seigneur Granz avait encore vieilli, mais ses yeux noirs gardaient l’éclat de cette jeunesse dorée qui l’avait vu repousser l’envahisseur brislien et mettre un terme à une guerre, ou plutôt une vendetta, de deux siècles. Depuis, le Sire de Grive avait perdu de son allant et de sa fougue, mais le royaume se portait bien, les récoltes étaient bonnes et, surtout, la paix était durable: Granz était unanimement adulé, et sa respectabilité s’étendait bien au-delà des frontières de son territoire.
Si l’irruption du coursier l’agaça, il n’en montra rien, et tendit une main où le message de Loni vint achever son périple. Le jeune garçon fit mine de partir, mais Granz le retint d’un geste discret mais explicite de la tête.
Loni ne vit à nouveau aucune expression sur le visage de son Roi lorsqu’il lut la missive; par contre, lorsque ce fut à son tour de la lire, le Ministre Jorem fit grise mine et se tassa imperceptiblement dans son fauteuil, avant d’adresser un regard interrogateur vers Granz.
– Tu vas rester au château cette nuit, mon garçon, car je dois réfléchir à la réponse que je t’enverrai porter, dit calmement le Sire de Grive. Tiens-toi prêt à l’aube.
– Oui, Messire.
Jorem fit sonner la clochette sur le coin de son bureau et un valet entra presque aussitôt.
– Ce garçon va dormir ici jusqu’à demain matin, indiqua Jorem. Faites-le nécessaire.
Quelques minutes plus tard, Loni s’endormit sur le matelas le plus moëlleux qu’il eût connu depuis son enfance, et rêva de chevaliers, de batailles épiques, de dragons et d’épées magiques.